La santé personnalisée fait l’objet d’une attention soutenue au sein du CHUV, tant sur le plan médical que socio-éthique. Ainsi, l’équipe de Jacques Fellay, médecin-chef de l’Unité de médecine de précision, étudie la possible origine génétique de l’arrêt cardiaque auprès d’une cohorte de patients à risque du Service de cardiologie. Cet arrêt du cœur létal, sans signes avant-coureurs, survient chez des personnes souffrant généralement d’une maladie cardiaque restée méconnue.
Dans le cadre de cette recherche translationnelle, trois chercheurs de l’Institut des humanités en médecine (IHM) décortiquent la nécessaire réorganisation des pratiques et l’évolution des standards éthiques pour l’ensemble des professionnels impliqués. Luca Chiapperino, philosophe et sociologue des sciences, et Mélody Pralong, anthropologue, suivent au quotidien les chercheurs, les médecins ou encore les techniciens de laboratoire dans leur contexte professionnel. Une approche qui part du terrain, à la croisée entre recherche et clinique, pour étudier ce biotope hospitalier en mutation et y revient avec des éléments d’analyse et de réflexion : « Le projet piloté par Jacques Fellay est un excellent exemple du processus de génomisation de la médecine, passant par un travail complexe de production de légitimité éthique, scientifique et clinique de nouvelles pratiques dites de médecine de précision, et c’est tout ce travail social des scientifiques que nous étudions », explique Luca Chiapperino.
Le déploiement de nouvelles technologies biomédicales comme le séquençage du génome implique également de nouveaux questionnements chez les patients. Gaia Barazzetti, philosophe et éthicienne au ColLaboratoire de l’UNIL et à l’IHM, étudie une des étapes clés du processus en cours en cardiologie : la restitution d’informations génétiques aux patients présentant des risques d’arrêt cardiaque.
Est-ce que je souhaite connaître les résultats de ces analyses et leur impact sur ma santé ? Quelles sont les implications pour les membres de ma famille qui partagent en partie mon patrimoine génétique ? Voici quelques-unes des questions légitimes que se posent les patients, « ce qui implique d’intégrer la question de l’utilité personnelle de ces résultats, outre leur validité et utilité médicales », précise Gaia Barazzetti. En effet, tenir compte des perceptions, besoins, attentes et préoccupations des patients a un impact évident sur leur santé et leur bien-être psychologique à long terme. « L’enjeu est moral : la bienfaisance en médecine doit de plus en plus inclure la perspective du patient », conclut l’éthicienne. Les données récoltées devraient contribuer à la mise en œuvre de directives au CHUV concernant le retour des résultats et la pratique du consentement à la recherche. /
Philosophe et sociologue des sciences à l’Institut des humanités en médecine, il s’intéresse aux méthodes de travail des scientifiques.