Prospection
Texte: Jean-Christophe Piot
Photo: Adamquest

Sous les pavés, la psychose

lusieurs études le confirment: la schizophrénie est plus fréquente en milieu urbain que rural. Reste à mieux comprendre les mécanismes impliqués.

La ville, néfaste à la santé mentale? L’idée n’est pas nouvelle. «L’observation d’une prévalence plus importante de la schizophrénie en milieu urbain date de 1939», précise Philippe Conus, chef de service au Département psychiatrique du CHUV. Une hypothèse confirmée par de récentes études de l’Institut de psychiatrie du King’s College de Londres aux conclusions sans appel: la maladie, comme d’autres troubles psychotiques, est deux fois plus fréquente en milieu urbain.

A l’heure où la moitié de la population mondiale vit déjà en ville, l’enjeu n’est pas mince.

Comprendre les causes de cette corrélation n’est pas simple. «Les travaux épidémiologiques trouvent leurs limites», reconnaît le psychiatre. D’où l’idée de lancer une étude à l’approche originale, au carrefour des sciences humaines et des sciences de la vie. Menée par le Département de psychiatrie du CHUV et l’Institut de géographie de l’Université de Neuchâtel avec le soutien du Fonds national de la recherche, ce projet initié par Philippe Conus et le géographe Ola Söderström concernera dans un premier temps une quarantaine de patients atteints par les premières manifestations de la maladie.

Comment faire la part entre les facteurs proprement urbains, les fragilités génétique, biologique ou psychologique et les éléments de stress externes?

Son but? Mieux définir les spécificités qui favorisent l’apparition de la maladie, ainsi que la solution permettant d’isoler leur impact dans l’apparition d’une pathologie multifactorielle. Comment faire la part entre les facteurs proprement urbains, les fragilités génétique, biologique ou psychologique et les éléments de stress externes? Comment comprendre le fait que les citadins sont plus souvent diagnostiqués que leurs concitoyens des milieux ruraux?

«Nous ne savons pas si la taille de la ville joue dans la prévalence de la schizophrénie», continue Philippe Conus, mais il est acquis que le risque augmente en fonction du nombre d’années passées en ville, surtout dans l’enfance, un effet qui persiste même si l’on corrige l’impact possible d’autres facteurs de risque plus prévalents en ville, comme l’exposition au cannabis par exemple.»

En filmant leurs réactions au cours de trajets en milieu urbain, les chercheurs comptent identifier les zones vécues par ces malades comme sûres ou au contraire comme stressantes. Ces éléments seront analysés au regard des données épidémiologiques réunies par les psychiatres. Soutenue par la branche suisse de la Société internationale pour des approches psychologiques et sociales des psychoses, cette première phase permettra de dégager des hypothèses qui seront vérifiées auprès de populations de patients élargies au cours des trois prochaines années. Des pistes précieuses pour mieux comprendre la maladie.



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