Décryptage
Texte: Arthur Du Sordet

Perte de cheveux : traiter le mal à la racine

L’alopécie est souvent vécue comme une souffrance. Des solutions existent, mais peu de médecins sont spécialisé∙e∙s.

Source d’angoisse, la perte de cheveux porte un nom : l’alopécie, un trouble dermatologique très courant. Selon Pierre de Viragh, dermatologue consultant à l’Hôpital universitaire de Berne, on estime que le pourcentage d’hommes touchés correspond à la tranche d’âge : à la vingtaine, l’alopécie concerne 20% des hommes, à la trentaine, 30%, et ainsi de suite. Généralement, l’alopécie est considérée comme une problématique masculine. Mais les femmes ne sont pas épargnées. Particulièrement à l’approche de la cinquaintaine, avec la ménopause, la moitié d’entre elles sont touchées par le phénomène.

L’alopécie sous toutes ses formes

L’alopécie androgénétique, héréditaire, est la forme la plus courante. Elle repose sur la prédisposition génétique des follicules pileux à être sensibles à la dihydrotestostérone (DHT), une transformation de la testostérone, hormone sexuelle masculine. Ainsi, la DHT vient accélérer la chute des cheveux, jusqu’à ce qu’ils cessent complètement de repousser. Mais le phénomène ne touche pas uniformément le crâne. À l’arrière de la tête, au-dessus de la nuque et des oreilles, les cheveux sont épargnés, car ils sont insensibles aux hormones. Chez les femmes, ces hormones sexuelles mâles sont également présentes, bien qu’en moindre quantité. Lors de la ménopause et du changement hormonal qu’elle induit, le nombre d’hormones féminines diminue. La proportion d’androgènes est alors plus élevée et peut impacter les follicules, surtout s’ils sont génétiquement prédisposés à y être sensibles.

Lorsque l’alopécie androgénétique touche les femmes, elle est généralement moins visible, car plus diffuse. Aussi, contrairement aux hommes, les femmes ne perdent généralement pas les cheveux situés sur la ligne frontale.

La pelade

Plus rapide et généralement plus visible,
la pelade est une autre forme d’alopécie. Elle se caractérise par une perte soudaine de plaques entières de cheveux sans cause évidente qui peut toucher toutes les zones poilues du corps. « J’avais les cheveux très épais et ils ne tombaient jamais. Puis, du jour au lendemain, j’en perdais énormément, explique Gregory, touché par une pelade à 27 ans. J’en laissais sur l’oreiller, dans la douche. Je passais ma main dans les cheveux et une mèche y restait ». Les prises de sang ne donnant rien, sa pelade est associée par sa dermatologue à la période de stress qu’il vivait. « Comme avec une attaque de migraine, on ne connaît pas vraiment la cause d’une pelade. Parfois, elle est donc associée au stress », confirme Pierre de Viragh. Une fois le problème passé, les cheveux repoussent. D’abord blancs, puis de façon presque normale, bien qu’ils restent souvent moins épais. Les cheveux de Gregory ont repoussé, sa chevelure et sa barbe sont désormais tachetées, noir et blanc. « Au début, c’était dur, raconte-t-il. Mais je m’y suis habitué et finalement j’aime bien. Ça me donne un style unique, c’est cool. »

D’autres formes d’alopécie existent, comme l’effluvium télogène qui provoque de manière passagère une chute abondante des cheveux, mais « elles sont beaucoup plus rares », explique Pierre de Viragh. Elles peuvent être dues à des carences ou à des maladies.

La trichologie, un désert médical

Alors que l’alopécie concerne une grande partie de la population, il existe très peu de spécialistes dans les hôpitaux cantonaux universitaires de Suisse romande. Toutes les personnes interrogées se sont rendues chez des dermatologues généralistes pour leurs problèmes capillaires. « La trichologie, la science qui s’occupe de l’étude des cheveux et des poils, est une discipline négligée au niveau mondial. Et ce n’est pas le domaine le plus plébiscité dans les milieux universitaires. Il s’agit de patients lourds à prendre en charge, pour proportionnellement peu d’honneur et de réputation scientifique. »

Faire repousser les cheveux

Heureusement, il existe des solutions.
À commencer par les traitements médicamenteux. Pour les hommes, les principaux sont le Minoxidil qui a un effet stimulant « sans qu’on en comprenne exactement le mécanisme », explique le spécialiste, ainsi que le Finastéride, qui bloque la transformation de la testostérone en DHT. Pour les femmes, le Minoxidil fonctionne aussi, tout comme la pilule contraceptive à activité partielle anti-androgénique.

« Chez beaucoup de patientes, on obtient de bons résultats. »

Une multitude de solutions sont proposées dans les instituts capillaires. « Certaines sont peu efficaces, et peuvent se révéler être une perte de temps et d’argent. »
La luminothérapie ? « Il n’y a pas assez
de données scientifiques pour qu’on puisse la soutenir. » Les injections de plasmas riches en plaquettes ? « C’est très cher, ça fait mal et beaucoup d’expériences montrent que ce n’est efficace que dans 50% des cas. » Mieux vaut, selon lui, commencer avec d’autres méthodes et garder cette alternative comme complément à un traitement. « Si une clinique vous propose ce type d’injections en premier lieu, fuyez ce cabinet. »

Les greffes capillaires en plein boom

La greffe capillaire est l’autre moyen efficace de lutter contre le dégarnissement. Un nombre croissant de personnes y a recours dans le monde entier.

« Un phénomène particulièrement marqué depuis deux ou trois ans, explique Stéphane de Buren, spécialiste suisse de la chirurgie à l’étranger. C’est l’effet boule de neige, car les gens se rendent compte que ça marche. »

Et dans ce secteur, le tourisme médical, notamment vers la Turquie, est très élevé. « C’est comparable à ce qui se passe pour la chirurgie esthétique et les soins dentaires. Les Suisses partent à l’étranger pour les opérations qui ne sont pas prises en charge par l’assurance. »
À qualité égale, les prix sont jusqu’à quatre fois moins chers qu’en Suisse, selon Stéphane de Buren.

Plusieurs procédés pernettent de greffer des cheveux. La meilleure méthode, selon le spécialiste, consiste en un prélèvement des follicules pileux situés dans les zones qui ne sont pas touchées par l’alopécie, pour les implanter dans les parties dégarnies. Cette méthode s’appelle la « follicular unit extraction ». Une autre technique, la « follicular unit transplantation », consiste à prélever des bandes entières de cheveux dont les greffons sont extraits.

Si la méthode d’implantation par bandes est plus rapide et moins coûteuse, le spécialiste recommande la première technique, qui ne laisse pas de cicatrice visible et qui est beaucoup moins invasive. Il est parfois conseillé de réitérer l’opération si la calvitie évolue. Avant de se faire greffer, Pierre de Viragh préconise un traitement médical pour stabiliser la situation. « La greffe sans traitement peut donner à long terme de mauvais résultats. Les cheveux de l’arrière de la tête n’ayant pas la même qualité que ceux de devant. »

Beaucoup d’instituts prétendument spécialisés, en Suisse où à l’étranger, sont focalisés sur l’aspect commercial « Dès qu’il n’y a plus de business à faire, ils renvoient les patients vers des dermatologues. » Aussi, il recommande de bien choisir son établissement : un bon critère est de voir si le médecin responsable fait figurer son nom sur la porte, garantissant qu’il prend la responsabilité de l’institut personnellement. « Même si l’opération est peu risquée, c’est de la chirurgie. Il faut que la greffe soit faite par quelqu’un qui a suivi une formation pointue. » Et il faut y mettre le prix. « La meilleure offre n’est pas toujours le meilleur choix. » /

Pour palier la perte de cheveux, l’une des techniques consiste à prélever des cheveux à l’arrière de la tête avant de les transplanter méticuleusement dans les zones dégarnies. C’est la méthode baptisée « follicular unit extraction ».

Se tatouer des cheveux pour gagner en densité

Pour augmenter sa densité capillaire, parfois en complément à une greffe, certaines personnes décident de passer par la tricopigmentation, une technique qui s’apparente au tatouage et qui vient implanter sous la peau, non pas de l’encre, mais des pigments bioabsorbables qui imitent le cheveu. « C’est une prestation assez récente en Suisse, mais courante en Italie, explique Sandra Moscatello, tricopigmentologue dans une clinique genevoise. Il y a de plus en plus de demande. » Sa clientèle se compose de personnes qui ont peur de la greffe ou qui souhaitent un complément à une greffe peu satisfaisante. « Mes patients sont majoritairement des hommes, car la tricopigmentation permet d’obtenir un effet de crâne rasé, explique-t-elle. Mais j’ai aussi des femmes chez qui le résultat est presque imperceptible, mais permet de gagner en densité. »



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L’actrice, productrice et réalisatrice Jada Pinkett Smith a participé, malgré elle, à médiatiser l’alopécie. Déjà évoquée lors d’une émission télévisée en 2018, sa maladie a ensuite été abordée à de multiples reprises en ligne et dans les médias suite à l’incident lors de la cérémonie des Oscars en 2022.

Will Smith, son mari, avait alors giflé le présentateur qui s’était moqué du crâne rasé de l’artiste.