Décryptage
Texte: Texte : Elena Martinez
Photo: Science photo library

Le doute, inévitable en soins palliatifs

En soins palliatifs, les doutes sont très présents, particulièrement autour de certaines procédures. L’une d’elles est la sédation palliative jusqu’au décès. « La certitude » quant au soulagement de la souffrance de la personne en fin de vie à l’aide de cette pratique est-elle véritablement certaine ? C’est la question que Martyna Tomczyk, chercheuse éthicienne à l’Institut des humanités en médecine, aborde dans ses travaux.

D’après l’European Association for Palliative Care, le but de la sédation palliative en général est de soulager une souffrance insupportable pour le.la malade, alors
que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont été mis en œuvre, sans obtenir le soulagement attendu ; c’est un traitement de dernier recours. Il existe plusieurs types de sédation, dont « la sédation profonde continue jusqu’au décès »,qui ne cesse de susciter des interrogations cliniques, éthiques et juridiques. Des controverses, résultant essentiellement de convictions personnelles, font parfois fi de faits scientifiques établis. Et ces faits font parfois aussi défaut, ce qui complexifie les enjeux. En effet, que sait-on de la vie intérieure d’une personne sur le point de mourir, qui plus est sous sédation ? Rien ou pas grand-chose. « La souffrance en fin de vie est multifactorielle, avec des composantes physiques, psychiques, existentielles, spirituelles et sociales. Peut-on être certaine que la sédation supprime la perception ou la conscience de toutes ces composantes ? Peut-on en déduire qu’elle est un traitement efficace contre la souffrance existentielle, par exemple ? » interroge l’éthicienne, qui travaille en étroite collaboration avec des cliniciennes en Suisse comme à l’étranger.

Les représentations diverses autour de la sédation ont un impact direct sur les pratiques et la communication avec le ou la patiente et ses proches. Des paroles sont dites – ou non, et des actes sont posés – ou non, parfois au détriment de la personne souffrante et de ses proches.

« Il est important de faire le point, en toute transparence, sur les certitudes et les incertitudes relatives à cette forme particulière de sédation en fin de vie, et de les accepter avec humilité », souligne la chercheuse. Une vaste revue de littérature, réalisée récemment dans le cadre d’un projet soutenu par la Fondation Pallium du canton de Vaud, et de très nombreuses études de terrain menées auprès de soignantes lui permettent d’affirmer que seules deux certitudes entourent cette pratique : le moment du début de la sédation et le moment où elle se termine, c’est-à-dire à la mort de la personne souffrante.

Face à ces multiples incertitudes, Martyna Tomczyk recommande une présence de qualité auprès des patientes et de leurs proches, et un questionnement permanent, constructif et humble, accompagné d’une profonde acceptation de la finitude humaine. /



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Martyna Tomczyk

Martyna Tomczyk est docteure en éthique médicale de l’Université Paris Descartes et de l’Université des sciences médicales de Poznań (Pologne). Elle est responsable d’un projet de recherche à l’Institut des humanités en médecine, en collaboration avec Ralf Jox, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, neurologue, palliativiste et spécialiste en éthique médicale. Ses recherches actuelles portent sur les recommandations éthiques concernant la sédation palliative et plus généralement sur les questions touchant à la fin de vie.