Chronique
Texte: Samia Hurst
Photo: DR

Comment mieux appréhender les questions éthiques

Les questions posées lors de consultations d’éthique clinique sont variées (1), mais au fil du temps, certaines sont récurrentes. «Jusqu’où aller?», nous demande-t-on par exemple, à tous les âges de la vie et dans tous les secteurs de la médecine, ou «Comment faire pour savoir à quel moment commence l’acharnement thérapeutique?».

Comprendre cette limite, c’est voir qu’elle a trois composantes. On atteint une première sorte de limite lorsqu’une intervention serait inefficace. L’alimentation artificielle pour prolonger la survie chez une personne atteinte de démence avancée est un exemple (2). Cette limite, on peut la reconnaître objectivement.

La deuxième limite est atteinte lorsque l’intervention serait disproportionnée. Lorsqu’elle aurait un effet, oui, mais que celui-ci serait trop faible ou trop incertain pour justifier le fardeau imposé au patient. La poursuite de la ventilation mécanique, par exemple, lorsqu’une personne se trouve dans un état dont elle ne voudrait pas et dont elle ne pourra pas sortir. Cette limite n’est pas objective. Elle dépendra en partie des priorités de chacun (3).

La troisième limite est atteinte lorsque le coût est excessif au regard de l’intérêt de l’intervention pour le patient. Il ne s’agit alors pas d’acharnement thérapeutique, cela dit. C’est bien sûr la limite la plus controversée. Il faut la reconnaître comme telle.

Pourquoi franchissons-nous ces limites? Nos espoirs peuvent être irréalistes. Nos interventions peuvent viser un but dont le patient ne veut pas, mettre en danger ses priorités au nom des nôtres. Elles peuvent être confuses, par exemple lorsque nous prescrivons pour montrer au patient que nous ne l’abandonnons pas. Il arrive que notre bienveillance nous piège, nous donne une fausse impression de faire le bien là où nous avons voulu le bien. Détisser ce qui se passe est important. Dans tous les cas, comprendre la situation est un premier pas pour y faire face.

Afin d’aider les équipes confrontées entre autres à ce genre de difficultés éthiques, l’Unité d’éthique clinique du CHUV, en partenariat avec le Centre des formations, offrira désormais sur demande des ateliers interdisciplinaires. Les premiers thèmes proposés seront fondés sur ce que l’expérience de consultation révèle comme incontournable: la futilité, la capacité de discernement, la décision partagée et les désaccords sur le projet de soin, la qualité de vie, l’usage de la contrainte médicamenteuse et physique, et les vulnérabilités. Ils donneront lieu à une attestation de formation. Un certificat d’études avancées (CAS) en leadership éthique dans les organisations de santé est également proposé, pour se préparer à inscrire la réflexion éthique quotidienne en tant qu’élément essentiel de l’activité clinique. Nous espérons que ces initiatives donneront lieu à un meilleur outillage de chacun face à un des aspects les plus riches et les plus difficiles de nos professions.



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Samia Hurst est bioéthicienne et médecin, consultante du Conseil d’éthique clinique des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), responsable de l’Unité d’éthique clinique du CHUV, et directrice de l’Institut Ethique, Histoire, Humanités (IEH2) à la Faculté de médecine de Genève.

Références

(1) Hurst S. La consultation d'éthique: à quoi ça sert et comment s'en servir? Revue Médicale Suisse (2006, 80, 2195-9)

(2) Sampson EL, Candy B, Jones L. Enteral tube feeding for older people with advanced dementia, Cochrane Database Syst Rev (2009, CD007209, PubMed PMID: 19370678)

(3) Mauron A. Futilité (2004, Petit glossaire de bioéthique)