Autour du globe
Texte: Sophie Gaitzsch

Des villes sans parfum

Hôpitaux, bâtiments municipaux, bibliothèques, universités: le port de produits parfumés est interdit dans de nombreux lieux publics nord-américains.

Dans la petite ville d’Edmundston, à l’est du Canada, sentir le parfum ou le shampoing n’est plus considéré comme un égard pour ses collègues et ses voisins dans les transports publics. Au contraire. En avril 2015, le Conseil municipal a adopté une politique demandant aux personnes qui se rendent dans les bureaux municipaux ou qui y travaillent de «s’abstenir d’utiliser des produits excessivement parfumés». Pour le maire, Cyrille Simard, c’est une question de santé publique. La Ville a reçu des plaintes de plusieurs citoyens. Un nombre croissant de personnes souffrent d’une hypersensibilité aux produits odorants, dont les symptômes comprennent maux de tête, nausées, fatigue, essoufflement ou encore irritation cutanée.

Edmundston est loin d’être une exception sur le continent américain. Halifax, également au Canada, fait figure de pionnière en la matière. Son hôpital a instauré les premières mesures anti-parfum au début des années 1990. Depuis, la Ville dissuade le port de cosmétiques odorants dans les bâtiments municipaux, les bibliothèques, les écoles et les bus. Son université est également estampillée «sans parfum» depuis 1995. Aux États-Unis, l’exemple le plus marquant concerne Détroit. En 2006, la justice a donné raison à une employée municipale qui réclamait le droit de travailler dans un environnement inodore en raison d’allergies et ordonné à la Ville de prendre les mesures nécessaires. Un certain nombre d’entreprises ont également suivi le mouvement dans les deux pays.

Au Canada, les problèmes de santé provoqués par les parfums sont pleinement reconnus par les autorités et de nombreuses associations. Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail parle d’«hypersensibilité environnementale». Les personnes atteintes présentent des symptômes lorsqu’elles sont exposées à certains produits à de faibles concentrations tolérées par la plupart des gens, explique-t-il sur son site. Pourtant, la question continue de faire débat.

«Les chercheurs qui se sont intéressés à ce syndrome d’hypersensibilité chimique n’ont pas trouvé de cause biologique claire à ce jour, explique Thierry Buclin, chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Il n’est pas exclu que la recherche ait encore quelques secrets à livrer dans ce domaine. Mais on tend plutôt à invoquer un phénomène neurocognitif, voire des explications purement psychologiques ou culturelles. Mais on ne peut pas simplement balayer ces plaintes en disant que "c’est dans la tête". Il faut toujours écouter les patients. Cliniquement, le syndrome existe, même s’il reste inexpliqué.»



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