Texte: Chloé Thomas-Burgat

«Toutes mes questions ont été prises au sérieux»

Côté patients

Donner son consentement libre et éclairé est la condition fondamentale pour pouvoir participer à un essai clinique. Chacun vit cette étape différemment, en fonction de son parcours et avec plus ou moins de questionnements, comme nous le racontent Pierre et Robert*.

«J’ai été très bien accompagné, j’ai senti beaucoup d’empathie de la part des équipes. Mes questions ont été prises au sérieux», confie Pierre*, l’un des premiers patients prenant part à l’essai.

Étapes, effets secondaires, substances actives aux noms barbares, risques de décès, traitement sans garantie de réussite: les choses sont présentées sans détour, de façon très détaillée. Peut-être trop détaillée pour un seul homme. Pierre a ainsi choisi de s’entourer de son beau-fils: «Ce n’est pas que je comprends pas, mais je lui confie la fonction de relai pour que ce soit lui qui explique à ma famille. Sinon ça me fait trop.»

Du côté de Robert*, embarqué sur le même bateau, le choix est différent: «Si je lisais tous les effets secondaires, je refusais d’entrer dans l’essai. J’ai donc choisi d’écouter les spécialistes, en qui j'ai confiance.»

«S’il y a une chose que j’ai bien compris, c’est que ce traitement n’est pas comme les autres!», s’exclame Robert.

«J'ai pris conscience qu'il s'agit sans doute de ma dernière chance, et dans ces cas-là on ne tergiverse pas trop», confie-t-il encore. Une considération partagée par son acolyte: «Je n’ai pas hésité un seul instant à dire oui, car le traitement me paraît très logique: on enlève vos cellules, on les booste et on les réinjecte. Je sens que cette fois, ça va marcher».

Des années de combat contre le mélanome

Car les deux hommes connaissent bien les hôpitaux. Le premier a appris qu’il souffrait d’un mélanome en 2001, le second en 2015. Tout deux se sont fait surprendre par la maladie, qui s’est immiscée sans prévenir dans leurs vies. «Je bossais torse nu sur un chantier de l’hôpital de Berne, une docteure a vu par hasard mon grain de beauté dans le dos et m’a conseillé d’aller faire un contrôle. Le diagnostic? Mélanome agressif de type 5, c’était une gifle», raconte Robert, entrepreneur dans la maçonnerie. Quant à Pierre, responsable dans une prison, c’est en rentrant du travail, sous la douche, qu’il a senti une masse anormale. D’abord discret, le mélanome a pris ses aises, puis s’est logé un peu partout, pour ne plus les quitter.

À force de lutter contre la maladie, tout deux sont devenus des experts du mélanome et de ses traitements. Radiothérapie, chimiothérapie, essais cliniques: aucun traitement n’est jusqu’ici venu à bout de leur cancer. Mais les deux patients sont des battants, et, d’après le Professeur Coukos, ce trait de caractère a aussi son importance. Le traitement est lourd, la démarche difficile, il faut des personnalités tenaces. L’appréhension est bien là, mais comparée à l’espoir de guérir elle est reléguée au second plan:

«Bien sûr, ça m’angoisse de savoir que je vais avoir des effets secondaires plus ou moins graves. Je sais par exemple que je vais perdre mes cheveux, mais j’ai emporté une casquette et j’aime penser que ça ira», confie Pierre.

«J’y crois et les médecins le sentent. C’est une chance de pouvoir participer à cet essai, maintenant il faut se battre», avance-t-il encore.

Convaincus d’avoir toujours leurs chances, les deux patients que nous suivons ont accepté de se lancer pleinement dans ce nouveau traitement expérimental.

*Noms connus de la rédaction.



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