Témoignage
Texte: Erik Freudenreich
Photo: Laurianne Aeby (SAM)

«Les proches aussi ont besoin d'un temps pour se rétablir»

Après que son fils aîné ait développé une schizophrénie, Anne Leroy s’est engagée pour améliorer l’accompagnement de proches de malades psychiques.

«La maladie de mon fils s’est déclarée alors qu’il terminait ses études aux Beaux-Arts, à Sion. Nous pensons que l’élément déclencheur a été un double choc émotionnel: la jeune femme avec qui il vivait l’a quitté, et s’est ensuite suicidée. Après une première hospitalisation qui s’est bien passée, Nicolas a dû quitter son logement et s’est retrouvé dans un foyer où les choses sont vite devenues très compliquées. Il est alors retourné à l’hôpital, où il a décidé d’arrêter de parler. Un mutisme qui durera plus de dix ans.

Pour mieux comprendre sa maladie, j’ai commencé à parler avec les autres patients hospitalisés. De fil en aiguille, des contacts se sont noués avec leurs proches.

J’ai découvert l’isolement, le manque d’informations et de considération dont pouvaient souffrir certains parents.

Les soignants ont une bonne connaissance de la maladie, mais pas forcément du quotidien et du vécu familial. Cela m’a poussée dans l’idée qu’il fallait créer une association de soutien. En octobre 2003, une douzaine d’entre nous se sont retrouvés pour fonder L’îlot.

Les groupements de proches sont d’une grande aide pour raccourcir le temps d’acceptation de la maladie. Dans le cas d’un enfant qui a un grave accident, vous le voyez progresser, se rétablir petit à petit. Avec les troubles psychiques, il y a un avant et un après. La maladie provoque souvent une cassure du lien et de la communication entre le patient et ses proches. Ceux-ci peuvent se retrouver très désemparés, et ont aussi besoin d’un temps de récupération, au même titre que le patient. Chacun doit retrouver un équilibre à son propre rythme.

Parfois, c’est le malade qui donne une sacrée leçon de vie à ses proches, parfois ce sont ces derniers qui aident le patient à retrouver confiance en lui.

Lors du lancement de notre association, les participants étaient très heureux de se retrouver en groupe pour échanger. Depuis quelques années, la demande est devenue beaucoup plus personnalisée. Le lien peut s’établir via des appels téléphoniques ou des rendez-vous en tête à tête, parfois pendant des mois, avant que la personne ne se décide à participer à une de nos réunions. Nous accueillons les proches au sens large: parents, frères et sœurs, mais aussi conjoints ou amis.

Une interrogation revient souvent de la part des mères que je rencontre: “Est-ce que je serai un jour grand-mère?” C’est une question qui dit tellement de choses… Pour beaucoup, il reste difficile de considérer qu’il y a une vie après la maladie qui puisse être satisfaisante. Mais oui, c’est possible!»



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