Interview
Texte: propos recueillis par William Türler
Photo: Philippe Getaz

«Il faut être à l’écoute de ses sensations»

Pour bien apprécier un repas, il faut se concentrer sur le moment présent et bannir les activités annexes. C’est l’un des conseils de Véronique Di Vetta, diététicienne à la Consultation de prévention et traitement de l’obésité du CHUV. Interview.

IV Quelles recommandations donneriez-vous à une personne souhaitant réguler son appétit?
VDV Elle doit se poser quatre questions principales. Ai-je faim lorsque je mange? Ai-je conscience que je suis en train de manger? Est-ce que je sais reconnaître quand je suis rassasié? Suis-je satisfait de mon repas? L’un des points essentiels consiste à distinguer la faim de l’envie. La faim est une sensation physiologique qui intervient en principe toutes les 4 heures. Il s’agit d’une petite baisse de la glycémie que l’on peut ressentir par un creux à l’estomac, une faiblesse, voire de l’irritabilité. L’envie de nourriture renvoie davantage à la gourmandise, mais elle peut aussi apparaître pour compenser des émotions comme la tristesse ou l’énervement, par exemple.

IV Comment peut-on savoir que l’on est rassasié?
VDV Il faut être à l’écoute de ses sensations. Le sentiment de satiété arrive après une vingtaine de minutes, c’est pourquoi il est essentiel de manger plus lentement et de bien mâcher. Retarder le moment de manger rendra plus difficile la perception de ses sensations. La faim sera plus forte, avec le risque de se nourrir plus vite et donc en trop grande quantité.

IV La Stevia est actuellement dans toutes les bouches. Mais qu’en est-il des propriétés diététiques de ce produit?
VDV Préparé à partir d’extraits de la plante «Stevia rebaudiana», cet édulcorant non calorique est à la mode en raison de ses caractéristiques «naturelles». Néanmoins, ce type de produit entretient l’attrait pour le goût sucré, ce qui n’est pas souhaitable. Je conseillerais plutôt de consommer du sucre traditionnel, mais en plus petite quantité. Cela dit, la Stevia peut représenter une aide ponctuelle pour diminuer l’apport de calories. Et elle a un autre avantage: elle ne provoque pas de caries.

IV En résumé, comment peut-on maximiser la satisfaction lors d’un repas?
VDV Il est important de vivre le moment du repas, de se concentrer sur le goût, sur la texture de la nourriture et ses odeurs, en ne faisant aucune activité en même temps (ordinateur, TV, lecture). Manger doit être un moment de pause et de plaisir. Pour ce faire, il est préférable d’être assis à une table, au calme, pour savourer son repas.

«J’étais désespérée»

O.* est aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années. Ancienne patiente du Centre de l’obésité du CHUV,
elle a accepté de raconter à «In Vivo» le parcours qui
l’a amenée à se stabiliser à un poids d’environ 90 kg, après en avoir pesé 120.

«Depuis la fin de mes études, je n’ai plus du tout fait de sport. J’ai pris régulièrement du poids jusqu’à atteindre 120 kg pour une taille de 1,68 m. Je savais que j’évoluais dans la mauvaise direction. En 2009, je me suis rendu compte que j’avais de la peine à supporter tout ce qui était sucré. Je ressentais des sueurs, des maux de tête et de gros coups de fatigue. J’ai donc décidé de modifier mon alimentation, en mangeant moins et en évitant de consommer des aliments sucrés. Je ressentais cependant une sensation aiguë de faim.»

«En plus, je ne perdais pas de poids. Deux ans plus tard, je suis tombée très malade en raison d’un gros rhume. Pendant sept jours, je n’ai avalé que des smoothies et bu de l’eau minérale. Durant le reste du mois, j’ai peut-être mangé le cinquième de ce que je mangeais habituellement. Là aussi, je n’ai quasiment pas perdu de poids, à peine 2 kg. Ce n’était pas normal. J’étais désespérée.»

«J’avais de la peine à marcher, je souffrais de tachycardie et j’avais très mal aux hanches. J’ai donc décidé de prendre rendez-vous au Centre de l’obésité du CHUV, car je voulais absolument que cela change. Nous avons envisagé un pontage gastrique, c’est-à-dire une opération visant à réduire le volume de l’estomac et à modifier le circuit alimentaire. Cependant, une telle intervention implique de suivre à vie des mesures extrêmement contraignantes. En plus, il faut privilégier les féculents et les protéines plutôt que les légumes, alors que j’adore ça.»

«Pour moi, ce n’était pas naturel. Nous avons finalement opté pour une autre solution. On m’a prescrit de la metformine, un médicament permettant de diminuer l’intolérance aux glucides et de régulariser le métabolisme. Cela s’est révélé très efficace pour moi. Très vite, j’ai moins ressenti la faim et perdu une vingtaine de kilos en quelques mois. Fin 2012, mon poids s’est stabilisé aux environs de 90 kg. Aujourd’hui, je continue à prendre ce médicament à raison de 2 g par jour, matin et soir. J’essaie de manger le plus possible de légumes et de crudités et d’éviter de trop manger en fin de journée. J’évite aussi les sodas et bois de préférence des jus de fruits. Je ne ressens aucun effet secondaire et mon poids est resté stable.»

*Nom connu de la rédaction



Partagez: