Editorial
Texte: Arnaud Demaison

Un petit bobo qui finira par coûter cher

Les Suisses ne se précipitent pas chez le médecin à chaque bobo. Selon l’OCDE, ils consultent en moyenne quatre fois par année, soit beaucoup moins qu’en France (7 fois) ou en Allemagne (10 fois). Rien à voir avec un désamour à l’égard du système de santé helvétique, l’explication viendrait plutôt du porte-monnaie : une visite chez le médecin coûte cher. Mises en place pour responsabiliser le ou la « consommateurtrice de soins », les franchises et quote-part ont l’effet collatéral assumé, et parfois pervers, de dissuader les patientes incertaines. Sachant que les premières centaines de francs seront à leur charge, certaines y réfléchissent à deux fois avant d’aller faire inspecter cette petite toux qui traîne. Jusqu’au moment de l’hospitalisation, en urgence et à grands frais, suite à une pneumonie.

Si un suivi régulier demande un effort financier pour la majorité, il est hors de portée de toute une partie de la population considérée « en situation de vulnérabilité » (p.17). Les disparités sociales, la pauvreté en tête mais aussi l’isolement, le handicap, l’analphabétisme, l’immigration et bien d’autres encore sont connues pour avoir des répercussions importantes sur l’état de santé. Certaines conditions ou des parcours de vie particuliers ont un impact fort tels que le système carcéral (p.26) ou le statut de réfugié (p.21) ; d’autres phénomènes comme le covid long (p.37) sont encore peu connus mais font déjà des dommages substantiels même parmi les couches de la population traditionnellement moins à risques. De manière transitoire ou chronique, personne n’est à l’abri de se retrouver un jour en position de vulnérabilité.

L’hôpital a conscience qu’intervenir tôt auprès de ces populations, c’est une chance de prendre en charge des situations avant qu’elles ne dégénèrent. Les autorités sanitaires, et notamment celles du canton de Vaud (DSAS), fournissent de nombreuses prestations d’intérêt général, que ce soit dans l’assistance sociale, les hébergements sociaux, l’ouverture de consultations spécialisées, les subventions et bien d’autres encore, pour atteindre des personnes qui sans ces efforts resteraient en marge du système de santé. Mais face à l’urgence financière de la fin du mois, comment se préoccuper des conséquences à long terme de ce qui pour l’instant n’est qu’un petit bobo ? /



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