Editorial

BIR

La place du proche dans la vie des personnes vulnérables interroge de longue date et de façon transversale des cultures très diverses.

Tandis qu’il chemine vers le volcan sur la petite île indonésienne de Flores, Yrwan, tout jeune guide, raconte l’organisation familiale telle qu’elle prévaut dans sa communauté. Dans une fratrie comme la sienne, un des enfants est désigné à sa naissance par ses parents et sait dès son plus jeune âge qu’il aura pour mission de s’occuper d’eux lorsqu’ils en auront besoin. Les parents élèvent leurs enfants, mais plus tard les rôles s’inversent; les parents ont à leur tour besoin d’être accompagnés.

Nombreux sont les systèmes de santé qui reposent sur l’intégration des proches dans la prise en charge des patients. Celle-ci est soutenue par la religion comme dans la culture coranique où il existe un terme pour nommer la bonté mais aussi la compassion, le respect et même la patience envers les parents: bir.

En Chine, version plus autoritaire, depuis 2013 c’est la loi qui veille à rappeler à l’ordre les enfants qui prendraient des libertés avec les 24 règles de la piété filiale édictées dans des textes qui remontent au XIIIe siècle. Ainsi que le rapporte le journal La Croix, une grand-mère de 77 ans a même gagné un procès, et dans la foulée le droit d’attendre de sa fille qu’elle vienne lui rendre visite au moins une fois tous les deux mois et lors d’au moins deux des fêtes et jours fériés du pays. La loi pour la «protection des personnes âgées» avait été promulguée la veille dans un contexte de décomposition des familles contre laquelle l’État entend bien lutter.

On le voit bien, la place du proche dans la vie des personnes vulnérables interroge de longue date et de façon transverse des cultures très diverses. Le système de santé suisse n’y échappe pas.

En Suisse, une personne sur sept est aidée par un proche. Passé 85 ans, la statistique grimpe à une personne sur trois.

Pourtant dans les prises en charge hospitalières, les proches occupent encore trop souvent le strapontin, leur place reste floue, quand elle n’est pas inexistante.

Or, développement des maladies chroniques et vieillissement de la population obligent, les proches deviennent de plus en plus fréquemment des experts de la pathologie de leur parent, conjoint ou ami.

C’est ce qu’ont bien compris le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), et son Service des assurances sociales et de l’hébergement, qui conduit de longue date une réflexion approfondie sur le sujet et développe de nombreuses initiatives en faveur des proches aidants. Dans le même esprit, le Service de psychiatrie générale du Département de psychiatrie a notamment créé un poste de délégué aux proches et aux familles. À l’instar de cette équipe, peu à peu, c’est donc avec ce nouvel acteur capital dans le suivi du malade que les hôpitaux devront composer s’ils souhaitent prendre en charge leurs patients dans toute leur complexité et leur singularité.



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Béatrice Schaad, responsable éditoriale