Dossier
Texte: Charlotte Mermier

La lutte contre le trafic d'organes s'organise

En raison de la pénurie d’organes, certains patients se rendent à l’étranger pour bénéficier d’une transplantation illégale. Comment les États répondent-ils à ce phénomène?

En 2008, l’arrestation d’un homme dans un état de santé inquiétant à l’aéroport de Pristina, au Kosovo, met au jour l’un des plus vastes trafics d’organes connus sur le continent européen. Une somme importante, jamais reçue, lui avait été promise en échange d’un prélèvement de rein. Une vingtaine d’autres victimes ont subi le même sort, tandis que les patients en attente d’une greffe déboursaient entre 95’000 et 120’000 francs pour l’opération. «Le trafic d’organes figure parmi les dix principales activités illicites dans le monde et il est souvent lié à la criminalité organisée, explique Salome Ryf, collaboratrice scientifique au sein de la section transplantation de l’Office fédéral de la santé publique suisse. Comme les autres formes de criminalité organisée, il s’agit d’un phénomène souterrain, difficile à quantifier.»

Harmonisation de la législation

Le trafic d’organes ne connaît pas de frontières. Or, les lois varient d’un pays à l’autre. Oscar Alarcón Jimenez, co-secrétaire du Comité européen pour les problèmes criminels du Conseil de l’Europe, précise:

«Acheter ou vendre un organe est déjà illégal dans la plupart des pays du monde. En revanche, le recrutement, la sollicitation, le rôle des médecins et des hôpitaux répondent à différentes normes juridiques.»

Pour favoriser la coopération entre les États, le Conseil de l’Europe a établi une Convention internationale contre le trafic d’organes humains, qui a pour but de créer un cadre légal global afin de réprimer sur le plan pénal ce trafic. Vingt-trois pays ont déjà signé le traité, et cinq l’ont ratifié.

Le texte vise aussi à assurer la transparence et l’efficacité des systèmes nationaux de transplantation. L’encadrement de l’allocation et de la traçabilité des organes, la formation des professionnels de la santé et la sensibilisation de la population font partie des mesures prescrites. Ce genre de dispositions a déjà fait ses preuves, comme en Espagne. Le pays a réorganisé son système de transplantation, notamment grâce à la formation continue dispensée aux coordinateurs hospitaliers, à des entretiens avec les proches des donneurs ou à l’indemnisation financière des hôpitaux, et affiche désormais le taux de donneurs le plus élevé du monde: près de 44 par million d’habitants.

La Confédération a également signé la convention du Conseil de l’Europe. «La Suisse dispose déjà de solides bases légales, mais la loi sur la transplantation n’interdit le commerce d’organes que lorsque celui-ci a lieu en Suisse ou depuis la Suisse. La Convention va plus loin: désormais, les délits liés au commerce d’organes commis à l’étranger seront également punissables», précise Salome Ryf.



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