Dossier
Texte: Sophie Woeldgen

La neuro-imagerie dans la balance

Nouvelles pratiques, nouveaux savoirs: zoom sur un projet de recherche mené au sein du Département de psychiatrie du CHUV.

Depuis quelques années, des données de neuro-imagerie cérébrale sont de plus en plus souvent utilisées dans les procès pénaux aux États-Unis et en Europe. Elles viennent compléter l’expertise psychiatrique pénale traditionnelle. Leur introduction dans les tribunaux soulève cependant différentes réserves, notamment concernant leur perception par les acteurs du procès.

L’Unité de recherche de l’Institut de psychiatrie légale du CHUV, dirigée par Valérie Moulin, a analysé leur effet sur la perception d’une expertise et sur les décisions judiciaires. L’équipe a interrogé 62 juges et procureurs suisses et français, qui ont été séparés en deux groupes. Le premier a reçu un résumé d’expertise psychiatrique comprenant un résultat écrit de neuro-imagerie cérébrale. Le second a reçu ce même résumé sans ces données.

Intégrés dans une expertise psychiatrique pénale, les résultats de ces examens modifient significativement la perception des magistrats de l’expertise judiciaire (perçue comme plus objective, fiable, scientifique, convaincante, etc.) et de la responsabilité pénale de la personne expertisée (évaluée comme moins responsable).

Ces résultats corroborent d’autres études montrant l’existence de biais cognitifs dans la perception d’un raisonnement en présence de données de neuro-imagerie.

Pour Valérie Moulin, la neurobiologie offre de formidables perspectives pour la compréhension de l’être humain et de son comportement. Cependant, les connaissances sur le comportement violent sont récentes, souvent basées sur de petits échantillons peu représentatifs. Or, les magistrats tendent à leur accorder une valeur supérieure aux données cliniques, à les percevoir comme exemptes de subjectivité. Les marqueurs neurobiologiques donnent un caractère concret et représentable à une pathologie mentale pour un magistrat, avec la tentation de passer de l’esprit et de ses dysfonctionnements au cerveau, alors que les hypothèses sur ce point sont encore fragiles. Les magistrats devront se former à l’apparition de ces données et les experts à restituer ce savoir dans une instance judiciaire aux enjeux majeurs pour le respect des libertés et de la sécurité publique.



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