À chaque rencontre avec Pierre-François Leyvraz, je suis frappé par son regard qui dévoile un esprit pétillant de curiosité et de bienveillance.
Pierre-François est avant tout un médecin. Il m’a si souvent répété une chose qui peut sembler banale, mais qu’il estime fondamentale: «La médecine, c’est depuis toujours, une relation entre un médecin et un patient.» Avec un brin d’ironie en regard des développements récents, c’est ainsi qu’il aime résumer ce que doit être la médecine dite personnalisée!
Sur la base de cette conviction simple et pourtant si vraie, Pierre-François est un fin connaisseur du métier de l’hôpital, ou plutôt de tous les métiers de l’hôpital. Il aime profondément l’hôpital public dont les activités sont gratifiantes pour celles et ceux qui s’engagent quotidiennement pour les mettre à la disposition des patients, mais qui sont si difficiles puisque le succès n’est jamais acquis d’avance et la relation de soin doit sans cesse être réinventée.
Sa connaissance du terrain, son attachement au service public et sa vision de ce que doit être un hôpital universitaire ont fait qu’il était l’homme de la situation au moment où il a été nommé pour reprendre la responsabilité du CHUV en juillet 2008. Dès le premier jour de son mandat, il a habité sa fonction de directeur général avec enthousiasme et détermination, avec vision et réalisme.
À cette date, j’étais déjà Recteur de l’Université de Lausanne (UNIL) et j’ai eu le plaisir de travailler très étroitement avec lui sur de nombreux dossiers, jusqu’en 2016. Je l’ai vu apprendre son nouveau métier avec humilité et sens de l’écoute et j’ai découvert un homme discret – il ne se met jamais en avant – qui sait très bien où il veut aller, qui a l’art de saisir les chances et qui détecte les obstacles, sans avoir peur de les affronter. Au contraire, il conçoit sa responsabilité comme celle d’un leader qui doit trouver une issue à chaque problème et, si ça ne marche pas du premier coup, qui remet l’ouvrage sur le métier jusqu’à ce que la bonne (parfois la moins mauvaise) solution soit acceptée et mise en place.
Pour moi, c’était un grand bonheur de travailler avec lui car il était conscient de l’importance du «U» du CHUV et avait une réelle ambition universitaire pour son hôpital.
Nous étions capables, lui comme moi, de comprendre les enjeux de l’institution que l’autre dirigeait et nous avons ainsi beaucoup appris l’un de l’autre.
Mais surtout, chacune de nos rencontres était un «bon moment» et la personnalité de Pierre-François, sa simplicité, sa franchise, son humanité et son sens de l’humour, voire de l’autodérision, faisaient du bien!
La meilleure illustration de cet apprentissage mutuel est l’aventure «MEDUNIL» qui avait pour objectif de réorganiser la gouvernance de la Faculté de biologie et de médecine et les relations entre le CHUV et l’UNIL. Nous avons conduit ce projet, Pierre-François et moi, pendant quatre ans, rédigé plusieurs rapports et procédé à de nombreuses consultations. Cependant, lorsque le nouveau dispositif était finalisé, nous nous sommes rendu compte, avec les conseillers d’Etat Anne-Catherine Lyon et Pierre-Yves Maillard, que le changement de gouvernance envisagé était inutile et qu’il était préférable d’y renoncer tant les relations entre nos deux institutions étaient au beau fixe et nos liens personnels garantissaient un développement harmonieux du CHUV et de l’UNIL.
Ce magnifique climat de confiance a été une grande chance pour le canton de Vaud et a fait des envieux dans bien d’autres villes universitaires. Le CHUV et l’UNIL ont ainsi connu une période faste qui fait penser à un incroyable alignement de planètes particulièrement favorable! Pierre-François y a joué un rôle déterminant.
Année après année, Pierre-François Leyvraz a construit le CHUV de demain, avec le pragmatisme qui le caractérise.
Pierre-François a compris mieux que personne comment on bâtit un édifice solide et durable. Sa capacité d’anticiper en pensant simultanément à l’avenir de l’institution et aux réalités du terrain me fait penser à la phrase que le mathématicien français Henri Poincaré écrivait dans son ouvrage intitulé La Science et l’hypothèse en 1902:
«On fait la science avec des faits comme on fait une maison avec des pierres, mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison.»
J’ai une grande admiration pour Pierre-François, pour ce qu’il a accompli pour l’hôpital public et surtout pour la manière toujours sensible et respectueuse avec laquelle il a franchi chaque obstacle et élaboré chaque réussite. Je veux avant tout lui rendre hommage car il est un grand humaniste, attentif aux gens et curieux de tout, et lui exprimer ma sincère gratitude pour l’amitié qu’il m’a offerte.
Le CHUV est devenu un très bel hôpital grâce à l’impulsion de Pierre-François Leyvraz. Vous me direz qu’un tel succès n’est jamais l’œuvre d’un seul homme. C’est juste, et Pierre-François a su travailler avec les autres, mais j’affirme sans équivoque que sa vision, ses convictions, son sens des réalités et son écoute ont fait la différence. Pour illustrer son art de faire la différence, je me permets de conclure par le rappel d’une magnifique citation du dalaï-lama qui me disait lors de sa visite de l’Université de Lausanne en 2013: «Si vous croyez que vous êtes trop petit pour faire la différence, essayez de dormir avec un moustique.»
Mathématicien et ancien Recteur de l’Université de Lausanne, Dominique Arlettaz raconte sa collaboration étroite avec le Prof. Pierre-François Leyvraz.