Chronique
Texte: Jean-Daniel Tissot
Photo: DR

Révolution biologique et culturelle

Il n'y a pas si longtemps, au XIXe siècle, la psychiatrie se résumait à un mot: asile. On enfermait à tour de bras, sans projet thérapeutique. Une façon d'évacuer le problème: "Enfermez ce fou que je ne saurais voir". Les choses ont heureusement changé, les savoirs ont progressé, la discipline s'est transformée et le public a lui aussi (un peu) apprivoisé la maladie psychiatrique.

La maladie mentale n’est plus forcément une maladie honteuse, repoussoir. Mais cela reste compliqué: par définition, touchant à la psyché, à l’esprit, la pathologie psychiatrique demeure non quantifiable, intangible. De quoi générer le soupçon et stigmatiser les patients. En 2017, beaucoup pensent encore qu’on peut soigner la dépression par un «bon coup de pied au cul»…

Ils ont totalement tort bien sûr et, ces dernières années, la recherche est venue à la rescousse des médecins et des patients. On peut parler de «révolution biologique»: les progrès de la biologie moléculaire, de l’imagerie, ont permis d’avancer dans la compréhension du cerveau, et de trouver des bases biologiques à de nombreuses affections psychiatriques. Cela permet d’améliorer la fiabilité et la rapidité du diagnostic; cela ouvre la porte à de nouvelles approches thérapeutiques; et cela déstigmatise les patients. À la Faculté de biologie et de médecine (FBM), cette révolution est par exemple représentée, dans le domaine de la schizophrénie, par les travaux de la professeure Kim Do Cuénod.

Mais attention, ces percées n’annoncent pas l’abandon des approches plus traditionnelles. Au contraire, psychiatrie classique et «science dure» vont coexister, s’alimenter et se renforcer mutuellement. Toutefois, il va falloir s’adapter. Le langage, déjà, a changé: on parle désormais de «neurosciences», qu’elles soient cliniques, fondamentales ou psychiatriques. C’est vrai, le terme est un peu fourre-tout; mais il a le mérite de décloisonner, au moins symboliquement, les disciplines. Il faut aussi adapter les pratiques: la prise en charge des patients doit être nourrie par les avancées de la recherche fondamentale; elle doit également tirer parti des innovations technologiques – je pense notamment à la plateforme NeuroTech du CHUV, unique en Europe, dévolue à l’évaluation de l’impact médical et médico-économique des nouvelles technologies dans le domaine des neurosciences cliniques.

Il faut enfin adapter les structures. Et à cet égard, la FBM se félicite de la volonté affirmée des trois départements UNIL et CHUV concernés, Neurosciences cliniques, Neurosciences fondamentales et Psychiatrie, de travailler ensemble, de regrouper leurs forces pour apporter une contribution significative au développement de la recherche, de l’enseignement et des soins.



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Jean-Daniel Tissot est Doyen de la Faculté de biologie et de médecine de l'Université de Lausanne (UNIL).