Asthme, troubles cardiaques, maladie de Parkinson: le courant électrique suscite l’intérêt des médecins pour le traitement de certaines pathologies. Les pistes de recherche se multiplient.
Influx nerveux, pulsations cardiaques, fonctionnement neuronal: le corps humain est une centrale électrique et les diagnostics médicaux pourraient difficilement se passer de courant – il suffit d’avoir passé une électrocardiographie (ECG) pour en prendre conscience. L’utilisation thérapeutique de l’électricité, en revanche, a toujours fait débat. Pour beaucoup, son usage se limite à la stimulation électrique transcutanée (TENS). Cette technique, qui consiste à fixer des électrodes à la surface de la peau, est largement répandue dans les hôpitaux allemands et américains. En jouant sur la fréquence électrique et la durée du traitement, les algologues (spécialistes de la douleur) soulagent les patients atteints de rhumatismes ou d’arthrose et résistants aux analgésiques. Mais d’autres applications thérapeutiques de l’électricité sont explorées.
L’électrothérapie est déjà une réalité pour le traitement des troubles du rythme cardiaque. Fréquentes après 65 ans – 5% de la population mondiale dans cette classe d’âge souffrent d’arythmie – ces pathologies peuvent toucher des malades plus jeunes. Or, «les traitements médicamenteux ne fonctionnement pas toujours et la recherche pharmaceutique peine à trouver des molécules efficaces», explique Martin Fromer, médecin-chef de l’Unité des troubles du rythme cardiaque au CHUV. Lui et son équipe traitent depuis plusieurs années les arythmies grâce à des cathéters placés dans le cœur des malades: «Les progrès de l’imagerie nous permettent de fusionner les informations électriques et anatomiques pour disposer d’une cartographie précise des zones à l’origine des troubles.» Le praticien oriente les cathéters pour traiter les anomalies structurelles par des courants électromagnétiques de différentes fréquences. Cette technique stabilise la maladie chez les patients les plus âgés et réduit les risques de mort subite. La guérison est définitive chez les moins de 30 ans.
Stimulation cérébrale profonde
L’électricité se prête également au traitement des maladies neurodégénératives comme celle de Parkinson. Depuis une vingtaine d’années, la stimulation cérébrale profonde permet aux neurologues de bénéficier d’une approche thérapeutique, réversible et modulable qui s’est affinée au fil du temps.
Sous l’Empire romain, des médecins recouraient déjà à l’électricité pour guérir leurs patients, à partir d’une source naturelle de courant: les poissons. Scribonius Largus, médecin personnel de l’empereur Claude, est resté célèbre pour avoir cherché à soulager son patient de ses crises de goutte et de ses migraines fréquentes. Il plaçait une torpille entre les sourcils de l’empereur et laissait cette «raie électrique» décharger son courant jusqu’à ce que les sens du malade soient engourdis. Les torpilles sont capables de délivrer des chocs électriques dépassant les 30 ampères.
Les médecins implantent une électrode dans chaque hémisphère cérébral et les positionnent à l’aide d’une reconstruction tridimensionnelle du cerveau. Les électrodes sont ensuite connectées à un boîtier de contrôle sous-claviculaire. La technique a fait ses preuves chez les patients sévèrement atteints en réduisant nettement les manifestations les plus sévères, notamment l’akinésie (impossibilité d’effectuer certains mouvements) et la rigidité du corps. Prometteur, le procédé souffre encore d’un suivi post-opératoire important, d’autant que les effets indésirables sont lourds dans 2 à 3% des cas: confusion mentale, hémiparésie (paralysie partielle), hématomes…
La stimulation cérébrale profonde intéresse les spécialistes d’autres pathologies neurologiques. A l’Institut des neurosciences de Grenoble, l’équipe du physicien Olivier David travaille en étroite collaboration avec les neurologues du CHU sur certaines formes d’épilepsie résistantes aux traitements classiques: «Lorsque l’électrode implantée dans le cerveau perçoit une anomalie de l’activité électrique neuronale, elle émet une stimulation électrique pour la réguler.» Les premières études cliniques sont encourageantes: «Chez un patient sur deux, nous parvenons à réduire le nombre de crises de moitié», indique Olivier David. Pour autant, valider cette nouvelle prise en charge prendra du temps: «Techniquement, l’intervention est maîtrisée, mais cinq à dix ans seront nécessaires pour affiner les protocoles et imaginer un remboursement de ce type de thérapies par les assurances.»
Soulager les asthmatiques
A San Antonio, au Texas, Pedro Sepulveda, pneumologue à l’Alamo Clinical Research Center, en est à un stade de développement similaire. Lui et son équipe ont expérimenté l’électrothérapie chez des patients atteints d’asthme sévère et non réactifs aux traitements pharmacologiques (corticoïdes oraux ou bronchodilatateurs): «La procédure consiste à placer, après une anesthésie locale, une électrode en percutané (par absorption à travers la peau, ndlr) à l’aide de guidage par ultrasons à proximité de la gaine carotidienne (au niveau du cou, ndlr)», détaille le spécialiste. La zone a ensuite été stimulée électriquement pendant trois heures. Avec des résultats probants: le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) des patients a augmenté de 10 à 15% dans la demi-heure suivant l’intervention. «A l’avenir, ces traitements non pharmacologiques pourraient soulager les patients les plus fragiles.»
C’est l’année durant laquelle le physicien genevois Jean Jallabert met au point une machine électrostatique permettant de produire des contractions dans les muscles de patients paralysés.
La fréquence en hertz des courants utilisés en neurostimulation électrique transcutanée,une technique utile dans le traitement contre la douleur.