Décryptage
Texte: Carole Extermann

Sport et menstruations: en compétition?

Les règles des sportives de haut niveau ne trouvent pas leur place dans l’exercice de leur activité. Or, une mauvaise gestion du cycle menstruel peut avoir de graves séquelles sur la santé.

Cet été, lors de la Coupe du monde de football féminin, l’équipe américaine a épaté le public avec son jeu direct et offensif. Sacrées championnes, les joueuses ont également fait parler d’elles pour leur gestion des cycles de menstruation. En effet, elles ont utilisé l’application FitrWoman, qui permet d’ajuster l’alimentation et l’entraînement en fonction de la phase du cycle menstruel dans laquelle se trouve l’athlète. Développée par Georgie Bruinvels, chercheuse du University College de Londres, l’application se base sur la corrélation entre les carences en fer et les menstruations chez les sportives de haut niveau.

Forte de ce succès, la chercheuse souhaite ainsi mettre en avant le cycle menstruel, qui est encore tabou dans le sport de haut niveau. En effet, en août 2016, la nageuse chinoise Fu Yuanhui avait fait scandale en évoquant publiquement la fatigue liée à ses règles lors de la finale des Jeux olympiques de Rio. «Le milieu sportif, et celui du football encore davantage, est un monde masculin», explique Audrey Riat, footballeuse au Yverdon Sport FC. La joueuse a donc appris à ne pas parler de ce sujet dans le cadre de son activité sportive. Et la question est rarement abordée par ceux qui accompagnent les footballeuses.

«Notre entraîneur encadre une équipe féminine pour la première fois. Les règles sont un facteur qu’il n’a pas l’habitude de prendre en compte. Même s’il voulait aborder la question, j’imagine qu’il n’aurait pas les outils.»

Éviter les règles, une mauvaise idée

Alors chacune s’arrange. Par exemple, les sportives peuvent éventuellement prétexter une indigestion si les douleurs empêchent l’exercice. Cette difficulté de parler des règles encourage les sportives à les négliger. Or, la stabilité du cycle menstruel est capitale et l’irrégularité, voire l’absence de menstruations, n’est jamais anodine.

En effet, la pratique de sports à haut niveau pousse certaines athlètes à réduire leur alimentation, que ce soit pour des raisons esthétiques, comme dans le cas de la danse, ou performatives – par exemple en cyclisme. Cela peut provoquer un déséquilibre des menstruations. Ce dysfonctionnement peut aussi être lié à un stress important, à cause de la pression qu’engendrent l’activité sportive et la compétition. Martine Jacot-Guillarmod, médecin associée en gynécologie de l’enfant et de l’adolescent au CHUV, mesure l’impact de cette pression:

«Il est particulièrement difficile d’accompagner les sportives souffrant d’aménorrhée – une absence de menstruations – car ne pas avoir ses règles est souvent arrangeant pour les athlètes.»

Or, ce manque n’est pas anodin et peut engendrer des complications plus importantes. «L’absence de règles est souvent liée à un apport nutritionnel inapproprié en regard de la dépense énergétique qu’implique l’activité sportive. À long terme, ce trouble a un impact sur la densité osseuse pouvant aller jusqu’à l’ostéoporose», explique la spécialiste.

La gynécologue salue l’innovation proposée par l’application FitrWoman, tout en recommandant de l’utiliser avec précaution: «L’équilibre alimentaire et l’effort qui peut être fourni dépendent de nombreux facteurs et sont spécifiques à chaque femme. Ils ne sont pas uniquement en lien avec le cycle menstruel.» La technologie aide les sportives à prendre conscience du fonctionnement de leur corps en réaction au cycle. Par exemple, la deuxième étape de celui-ci, entre la phase folliculaire et l’ovulation, est une période durant laquelle la sportive a tendance à montrer une meilleure résistance aux exercices qui demandent de la force. La plateforme recommande également des recettes ou des types d’aliments à privilégier pour assurer les apports graisseux nécessaires au bon fonctionnement du cycle menstruel. «En revanche, cette innovation permet de mettre le sujet en discussion et cela est juste excellent», ajoute-t-elle.

Une prise de conscience timide

Une perspective que partage aussi le Comité international olympique (CIO), qui est convaincu que le sport peut contribuer à la promotion de l’égalité des sexes, notamment à travers l’inclusion de la question des menstruations. En effet, en 2014 le comité a intégré la problématique des règles en lien avec la dépense énergétique et son influence sur la densité osseuse dans sa charte intitulée «IOC Consensus Statement». Cependant, aucune mesure concrète n’a été annoncée pour l’instant.



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Les Jeux Olympique de la Jeunesse (JOJ) se dérouleront du 9 au 22 janvier 2020. Lausanne accueillera à cette occasion plus de 1'880 jeunes athlètes venus de monde entier. Partenaire institutionnel et médical de l'événement, le CHUV y présentera notamment le concept de «Health for Performance», qui sensibilise les adolescents et leur entourage au fait que toute performance durable s'accompagne obligatoirement d'un bon état de santé global, que ce soit dans une pratique sportive régulière ou de pointe.